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Les jardins et les terrasses soigneusement entretenus, n’étaient guère plus souvent visités. Dans les parterres, dessinés par une main habile, fleurissaient des fleurs parfumées et rares que personne ne cueillait jamais.

Cependant, un jour, cette solitude s’anima. Le manufacturier, petit-fils, neveu ou cousin (peu importe puisque nous ne faisons plus de l’histoire) du fondateur de la manufacture de soie de la Sône, venait de recevoir une lettre que lui écrivait un de ses amis habitant Paris, et pour lequel il avait une vénération qui ne le cédait qu’à l’admiration sans bornes que cet ami lui inspirait.

Cette lettre était ainsi conçue :

« Je viens de faire un héritage qui ne laisse pas de m’embarrasser beaucoup, sauvage et peu sociable comme vous me connaissez, mon vieil ami. C’est une jeune fille que son père à l’article de la mort a placée sous ma tutelle, me recommandant d’élever comme mienne cette fille, son unique enfant, qu’il allait laisser sans fortune et seule au monde. Ce père, un gentilhomme noble comme le roi, était aussi un original comme on n’en voit plus. Il n’a pas réfléchi une minute que je suis absolument semblable à un arbre déraciné qui ne peut plus prendre pied nulle part. Je suis veuf, ma fille est mariée, mes travaux habituels m’absorbent ; je deviens vieux, maladif, égoïste ; bref, j’ai pensé à vous, ou plutôt à cette excellente dame Isabeau qui sera peut-être heureuse de trouver une compagne dans ma petite comtesse de Maisonblanche. Je suis dans un très-réel embarras. Il vous appartient de m’en tirer.

« Toujours affectueusement à vous,

« Jacques. »