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À cette lettre, il ne pouvait y avoir qu’une réponse ; cette réponse, le manufacturier la fit.

« Soyez sans inquiétude sur le sort de votre jeune pupille, mon illustre et bienveillant ami, écrivit-il. Puisque le ciel a permis qu’elle perdît un père, elle trouvera en nous une famille entière dont les bras s’ouvrent déjà pour l’accueillir. »

Et il fit comme il disait. Seulement, la fille unique du comte de Maisonblanche, était une grande demoiselle de seize ans, élevée par un père bien faible, pour qui tous les caprices de l’enfant adorée avaient toujours été des lois. Par malheur, le comte était pauvre et il avait eu le regret de ne pouvoir satisfaire qu’un petit nombre des désirs de sa fille. Aussi fier que pauvre, n’ayant rien du solliciteur ni du quémandeur, il vivait fort retiré dans son petit castel d’Auvergne à moitié ruiné, ne fréquentant guère ses pareils, non par misanthropie, mais par dignité ; n’acceptant aucune invitation parce que son dénûment ne lui permettait pas d’en faire : des idées assez étroites, comme l’on voit.

Mademoiselle Yolande ne connaissait donc la grande vie que par ouï-dire : c’était assez pour qu’elle y rêvât souvent.

Grâce aux romans de chevalerie, égarés dans la bibliothèque paternelle et qui avaient fait toutes ses lectures au château de Maisonblanche, elle se croyait encore aux temps des chevaliers-errants , des tournois, des cours d’amour. Rien de ce qu’elle avait vu jusqu’à son adolescence, n’étant venu la confirmer dans son erreur ou la désabuser ; son père lui-même n’ayant rien fait pour la ramener à la vérité, elle n’avait aucune raison de ne pas penser qu’il en fut ainsi.