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Et, qu’était-ce que cette Cour aux splendeurs de laquelle elle rêvait ? Probablement une sorte d’Éden où des rois et des reines, figés dans leur gloire, recevaient tout le long du jour les hommages empressés d’un monde de princes et de courtisans. De la vie réelle, elle ne savait rien, pas même ce que sait un petit enfant.

Depuis qu’elle était en âge d’être mariée, Yolande de Maisonblanche attendait le prince Charmant qui devait la tirer de l’oubli où se morfondait sa beauté et sa jeunesse et lui donner un rang à la Cour. Malheureusement son père mourut avant que le prince Charmant fut venu frapper à la porte du castel ruiné des aïeux d’Yolande. Comme le gentilhomme pauvre ne se connaissait guère qu’un ami, qui était aussi celui du manufacturier de la Sône, c’est à cet ami qu’il pensa pouvoir confier sa fille orpheline et dépouillée de tout, même de ce manoir patrimonial dont des créanciers avides allaient se disputer les pierres.

La famille du manufacturier accueillit Mademoiselle Yolande avec les marques de la plus profonde sympathie pour son malheur. Sa jeunesse, son infortune touchèrent Madame Isabeau, qui sentit vibrer pour la nouvelle venue sa fibre maternelle. On lui avait préparé un appartement très gentil, proche celui de la famille, on lui donna une servante tout à son service. Mais Mademoiselle Yolande, après avoir vu l’appartement qu’on lui destinait, après avoir visité le château, déclara que le bruit des machines, l’odeur affreuse des cocons et surtout le voisinage d’une grande population ouvrière, troubleraient certainement le repos de ses nuits et la tranquillité de ses jours ; elle demanda qu’on lui donnât immédiatement un logement dans le château.