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résultant d’une croyance perdue. Le marquis Jacques la tenait magnétisée sous son puissant regard fulgurant de volonté ; elle se sentait bien petite fille devant lui.

— Enfant ! dit tout à coup le marquis Jacques, vous avez devant vous l’œuvre de ma vie entière. Bien des jours, et surtout bien des nuits, ont été employés par moi à la résolution de ces problèmes qui ne font que vous étonner, car vous n’en comprenez ni l’utilité, ni le but. Si vous vouliez vous instruire, je vous dirais quelle pensée m’animait tandis que je combinais ces machines…

— Oui, je veux m’instruire, murmura Yolande.

— Voilà une bonne parole ; mais j’attends de vous plus et mieux que des paroles. Vous vous êtes confinée, en arrivant ici, dans une solitude d’autant plus funeste que vous êtes restée, malgré votre âge, plus ignorante. Vous vous êtes créé un monde plus imaginaire encore que celui qui nous entoure ; et, que de mauvais conseils vous a donnés votre imagination ! Pourtant, il ne dépendait que de vous d’être heureuse, le bonheur vrai était là ; tout le reste, c’est-à-dire toutes vos rêveries, sont plus vaines que la vanité peinte sur le visage de ces personnages de cire et de bois. Je n’en dois point dire de mal pourtant de ces personnages ; c’est à eux, c’est-à-dire à la somme de travail, de science qu’ils représentent, que je dois d’être le peu que je suis. C’est à eux aussi que je dois ma fortune, mon titre de membre de l’Institut, mes relations avec les savants des cinq parties du monde et surtout la joie intime que donne une vie bien employée. Je suis l’artisan de ma prospérité : parti de bien bas, j’ai gravi un à un tous les échelons qui mènent aux richesses et