Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/154

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que ; les uns la considèrent comme une science spéciale et définie, les autres, comme une science éternelle élaborée par le genre humain ; mais à cette question : « Que faut-il apprendre et comment ? » aucune théorie ne donne une réponse positive. Toutes les thèses vont se contredisant et s’écartant de plus en plus. Les théories les plus diverses, les plus opposées surgissent simultanément, sans que l’une l’emporte sur l’autre, et nul ne sait ce qui est faux, ce qui est vrai. Nul n’est satisfait de ce qui existe ; et nul ne comprend qu’il faut du nouveau, que le nouveau seul est possible. Toutes les théories pédagogico-philosophiques ont pour but et pour tâche la formation des gens vertueux. Mais la notion de la vertu ou demeure au même point, ou se développe infiniment, et malgré toutes les théories, la décadence et la splendeur de la vertu ne dépendent nullement de instruction. Chaque penseur exprime seulement ce que sent son époque ; et c’est pourquoi l’instruction de la jeune génération conformément à cette conscience est absolument superflue, — cette conscience étant déjà innée à toute génération vivante.

N’est-il pas évident que les programmes d’études de nos établissements supérieurs apparaîtront, dans le XXI® siècle, aussi étranges et inutiles que nous le semblent maintenant les écoles du moyen âge ? Il est bien facile de tirer cette conclusion : si, dans l’histoire du savoir humain, il n’est point de vérité absolue, si les erreurs vont se succédant l’une à l’autre, alors sur quel fondement forcer la jeune génération à s’assimiler des connaissances qui seront certainement reconnues fausses un jour !