totalement ce que c’est que la beauté, puisque toutes les définitions de la beauté sont divergentes et obscures. Toutes ces définitions peuvent être ramenées à deux principes opposés : 1º la beauté est une chose qui existe par elle-même, une des manifestations du Parfait, de l’Absolu, de l’Esprit, de l’Idée, de la Volonté, de Dieu ; 2º la beauté est un certain plaisir que nous éprouvons, mais qui n’a pas pour objet nos avantages individuels. Tolstoï n’approuve ni l’une ni l’autre de ces définitions, il les trouve fantaisistes et arbitraires. « Jamais, dit-il, on ne pourra prouver qu’il est possible de lier l’idée du beau à l’idée de Dieu. Admettre pour beau uniquement ce qui nous plaît est également irrationnel par le fait même que chacun de nous a ses préférences. » Chacun aussi a son dieu. Pourquoi Tolstoï ne veut-il pas admettre la possibilité de lier l’idée du Beau à l’idée de Dieu ? L’artiste ne peut-il pas considérer Dieu, le Beau, l’Idéal comme synonymes ? Dieu, c’est le but supérieur, le but suprême vers lequel tend tout être humain. Pour Tolstoï, Dieu, c’est le Bien ; pour le dévot borné, c’est le paradis céleste ; pour l’épicurien moderne, c’est le bien-être terrestre ; pour le disciple de Mahomet, c’est le délicieux jardin de l’Éden. Pourquoi ne pas admettre que ce but suprême, ce Dieu, soit, pour l’artiste, le désir irrésistible de réaliser l’idée de la beauté, telle qu’il la conçoit ? « L’humanité, dit Tolstoï, a besoin de connaître les signes objectifs du beau. » Je ne le trouve pas. Le jour où l’on parviendra à définir l’art et la beauté, ni l’art ni la beauté n’existeront plus. On ne définit pas l’infini par le fini. C’est
Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/166
Apparence