de l’obscurité que Tolstoï voit l’une des causes de l’appauvrissement de l’art contemporain. Mais la cause principale de cet appauvrissement est, d’après lui, dans le manque de foi des classes supérieures. De même que dans l’ordre intellectuel, une pensée n’a de valeur que quand elle est nouvelle et ne se borne pas à répéter ce que l’on sait déjà, de même une œuvre d’art n’a de valeur que quand elle verse dans le courant de la vie humaine un sentiment nouveau. Or, suivant le penseur russe, l’art s’est privé de la source d’où pouvaient découler ces sentiments nouveaux, le jour où il a commencé à estimer les sentiments, non plus d’après la conception religieuse, mais d’après le plaisir des artistes. C’est de la conscience religieuse des anciens Grecs qu’ont découlé les sentiments si nouveaux, si importants et variés à l’infini, qui se trouvent exprimés dans Homère et dans les grands tragiques. Le cas est le même pour les Juifs, qui sont parvenus à la conception religieuse d’un Dieu unique : c’est de cette conception qu’ont découlé, si neuves et si importantes, les émotions exprimées par les prophètes. Le cas est le même pour les poètes du moyen âge : il serait le même, souligne Tolstoï, encore aujourd’hui, pour l’artiste qui reviendrait à la conception religieuse du vrai christianisme. Certes, aux premiers siècles de la Foi, l’imagerie religieuse fut un moyen d’édification et d’instruction populaires. Certes, la religion a fourni à l’art des inspirations les plus hautes, mais l’influence a été réciproque. Les poètes et les sculpteurs ont été les véritables théologiens de l’hellénisme. D’ailleurs, l’action de la religion sur Fart a été tantôt
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