Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/18

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thousiasme ; hors de lui de joie, il ne se reconnaissait plus, rendu fier, hardi, audacieux même. Son enthousiasme fut partagé par Sonia ; elle lui proposa de se dire tu. Le tu le grisait. Il ne voyait rien ni personne, excepté Sonia. Cette petite idylle dura plusieurs mois. Dans son adolescence, Tolstoï éprouva le même sentiment pour une autre jeune fille plus âgée que lui, Mascha[1].

À l’âge de douze ans, il fut frappé par le fait suivant : un sien camarade lui raconta que les élèves de son lycée avaient fait une grande découverte : Dieu n’existait pas et tout ce qu’on en enseignait n’était que vaine invention. Cette nouvelle lui parut « très amusante et tout à fait possible[2] ». Plus tard, lorsque son frère aîné, Dimitri, s’adonna tout à coup à la religion avec une passion ardente, cela n’éveilla en Tolstoï que moqueries. Voltaire, qu’il lisait tout jeune, « l’amusait » également[3].

Vers quatorze ans, le contraste entre l’apparence extérieure de Tolstoï et son activité morale devint grand. Il vécut dans un isolement moral absolu, enfoncé en lui-même. Les questions abstraites de la destinée humaine, de la vie future et de l’immortalité de l’âme, se présentaient déjà à lui, et sa débile intelligence d’enfant travaillait avec toute l’ardeur de l’inexpérience à éclaircir ces grands problèmes que le génie humain, dans ses plus grands efforts, arrive seulement à poser sans parvenir à résoudre.

  1. Adolescence.
  2. Confession.
  3. Idem.