Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/189

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ainsi que la vraie science considère son objet, et cette science n’a jamais eu l’influence pernicieuse et abrutissante qu’a eue la fausse science.

Mais ce n’est pas ainsi, dit Tolstoï, qu’envisage son objet, la philosophie : matière, forces, vie, nous étudions tout cela, et du moment que nous l’étudions, nous pouvons bien connaître son essence. Le scepticisme de Tolstoï, à l’égard des spéculations philosophiques, semble fondé. Si nous rejetions toutes les généralités que la philosophie a empruntées au domaine des sciences spéciales, que resterait-il de cette philosophie, si ce n’est de vains mois ? La philosophie ne peut pas exister sans les questions morales. La philosophie pour la philosophie, c’est l’absurdité pure. Tolstoï ne nie pas la science ; au contraire, il cherche à substituer à la fausse science une autre science qui mériterait le nom de Sagesse. Selon Tolstoï, le but de la vraie science doit être la recherche de la morale. Aucune science, aucun mécanisme ne donnera à l’humanité le bonheur et les armes pour l’atteindre si les hommes oublient les principes de la Morale et du Bien. La dignité de nos buts et de nos actions dépend de l’Idée du Bien. Pour que notre vie ait un sens, dit un philosophe russe[1], pour qu’elle soit digne de la nature spirituelle et morale de l’homme, il faut qu’elle porte en elle la justification du Bien, Les bons sentiments naturels de l’homme, — la pitié, la compassion, — ne suffisent pas pour atteindre ce but de la vie : il en faut encore un enseignement moral qui doit avoir pour but

  1. Solowiow. La justification du Bien (Opravdanié dobra). Saint-Pétersbourg, 1897.