Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/192

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En 1867, Victor Hugo écrivait : « Au xxe siècle, il y aura une nation extraordinaire. Cette nation sera grande, ce qui ne l’empêchera pas d’être libre. Elle sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale au reste de l’humanité. Elle aura la gravité douce d’une aînée. Elle s’étonnera de la gloire des projectiles coniques. »

Nous sommes à la veille du xxe siècle et rien n’annonce encore cet âge d’or, dont parle le poète. L’humanité, après tant d’effroyable labeur, n’a pris qu’une plus nette conscience de sa misère ; à mesure qu’elle s’avance, une tristesse plus vive tombe sur son âme. Jamais crise morale ne fut plus grande, plus douloureuse que celle de l’époque où nous vivons, — et dans tous les pays. Tous les esprits sont dans l’attente de quelques grands événements. Les hommes supérieurs, selon la forme de leurs conceptions, essayent de pénétrer le voile mystérieux de l’avenir. Chaque parole consciente et sincère trouve des échos sympathiques dans les cœurs des humains. Et voilà pourquoi, depuis des siècles, il ne s’était jamais élevé une voix qu’on ait si universellement entendue, que celle de Tolstoï. En un temps où il est nécessaire de prouvera nouveau des vérités souvent démontrées, il a su forcer les plus difficiles à écouter sa parole. La religion qu’il prêche, la religion du Travail et de l’Amour, est trop pure, pour qu’elle n’éveille pas les âmes souffrantes, surtout au cours de lassitude morale et sociale de l’heure présente. L’exemple de sa propre vie est trop beau pour qu’il ne trouve pas des échos dans toutes les parties du monde.