une chanson satirique qu’il consacra à la malheureuse bataille du 4 août. Cette chanson très populaire, connue et chantée par presque toute l'armée, ne plut pas aux supérieurs de Tolstoï, et son avancement n’eut pas lieu. « J’ai beau être ici depuis deux ans et avoir fait deux campagnes, je n’ai rien reçu du tout, écrivit-il à cette époque. J’ai un tel amour-propre que je veux demeurer ici jusqu’à ce que j’aie au cou Sainte-Anne ou Vladimir. Je suis déjà si encrassé, que je me sens tout bouleversé lorsqu’on donne une récompense à un autre et rien à moi[1]. »
C’est grâce à la malveillance d’un supérieur que Tolstoï n’a rien reçu pour ses campagnes.
C’est au Caucase que l’âme de Tolstoï comprit la divine beauté de la nature ; c’est pendant la guerre de Sébastopol que son esprit fut frappé par la grandeur delà souffrance humaine, par les contradictions des lois inconscientes qui gouvernent notre vie. Écoutez cette page : « Des centaines de corps mutilés, fraîchement ensanglantés qui, deux heures avant, étaient pleins d’espérance et de volontés diverses, sublimes ou mesquines, gisaient, les membres raidis, dans la vallée fleurie et baignée de rosée qui sépare le bastion de la tranchée, ou sur le sol uni de la petite chapelle des morts dans Sébastopol ; les lèvres desséchées de tous ces hommes murmuraient des prières, des malédictions ou des gémissements ; ils se retournaient sur le flanc, les uns abandonnés parmi les cadavres de la vallée en fleur, les autres sur les brancards, les lits et le plancher humide de
- ↑ Cosaques.