Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/50

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Le mariage fut pour Tolstoï le vrai point de salut. Son cœur qui avait soif d’affection et de tendresse avait trouvé, enfin, l’abri qui lui convenait : il aimait ; il aimait d’un amour vrai, sincère, immense, unique…

L’amour vint, et ses doutes, et ses luttes intérieures s’évanouirent ; la beauté de la vie lui apparut dans toute sa splendeur. Plus de doutes ! Se sacrifier aux autres ? Quelle sottise ! Vivre pour son prochain ? Faire le bien ? Pourquoi ? Quand on n’aime au fond que son propre moi et qu’on n’a qu’un seul désir, celui d’aimer et de vivre et de connaître le bonheur personnel.

Presque chaque homme rencontre dans sa vie la femme unique, laquelle seule lui fournit la pleine conscience de ses forces et la plus aiguë sensation à laquelle se prête sa nature. Il n’y a qu’un seul ciel pour chacun de nous ; malheur à celui qui ne le rencontre point, qui le perd, ou qui ne sait pas le remarquer ; car combien de fois rencontrons-nous notre bonheur, sans même le remarquer ? nous nous en apercevons souvent trop tard, quand notre bonheur est loin de nous ou quand il est perdu à jamais.

La Gloire ! La Foule ! Vanité et chimère ! Si une seule âme au monde nous comprend, si un seul cœur pur et tendre bat pour nous, cela suffit : le bonheur est là, et pas ailleurs. Si Tolstoï n’avait pas connu la vie de famille heureuse, il aurait ignoré certaines douceurs, il lui aurait manqué ce quelque chose d’inexplicable qui ne se trouve qu’au chaud foyer domestique. Si Tolstoï ne s’était pas marié, il en serait peut-être venu déjà à ce désespoir auquel