Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/55

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vivre sans savoir ce que je suis et dans quel but j’existe : puisque je ne puis atteindre à cette connaissance, la vie est impossible. »

Ce même problème se présenta devant Léon Nikolaïevitch. « Que suis-je ? Pourquoi est-ce que je vis ? Quel est le but de ma vie ? Comment dois-je vivre ? Où est le bien ? Où est le mal ? C’est bien, je serai riche, célèbre, etc., et après ? Qu’est-ce qui sortira de ce que je fais aujourd’hui, de ce que je ferai demain ? Qu’est-ce qui sortira de toute ma vie ? Pourquoi dois-je vivre ? Pourquoi dois-je faire quelque chose ? Y-a-t-il dans la vie un but qui ne se détruise pas par la mort inévitable qui m’attend[1] ? »

Ces questions le déconcertèrent complètement. « Je sentis que ce quelque chose sur quoi la vie repose se brisait en moi, qu’il n’y avait plus rien où je puisse me retenir ; que ce dont je vivais n’était déjà plus ; que moralement je ne pourrais plus vivre[2]. »

Tolstoï continuait cependant sa vie ordinaire, mais « la vie, dit-il, ne se manifestait plus en moi, puisque je ne sentais plus la raison de mes désirs ni la satisfaction de les voir accomplis[3] ». La vie est devenue pour lui un non-sens.

Autrefois le doute de Tolstoï avait à lutter avec l’énergie de sa conservation individuelle qui aspirait à la vie ; maintenant cette énergie étant affaiblie, le doute, l’arrêt de vie de Tolstoï le poussaient à s’en défaire.

  1. Confession.
  2. Idem.
  3. Idem.