L’idée du suicide lui vint, tout aussi naturellement que précédemment les idées de l’amélioration de la vie.
— Pourquoi dois-je vivre, c’est-à-dire quel sera le résultat vrai, indestructible de ma vie éphémère et destructible ? Quel sens a mon existence limitée dans cet univers infini ? C’est un non-sens ! Mais personne ne nous empêche de nier la vie par le suicide !
— Alors tue-toi et tu ne raisonneras plus. La vie ne le plaît pas, tue-toi. Si tu vis et ne peux pas comprendre le sens de ta vie, alors finis-la et ne tourne pas dans cette vie en décrivant et en racontant que tu ne la comprends pas. Le spectacle de la vie te répugne, eh bien, alors, va-t’en !
Il faut lire les admirables pages de la Confession où Tolstoï raconte sa lutte intérieure de cette époque quand il avait peur de la vie, tendant à en sortir, et malgré cela espérant d’elle encore quelque chose. Il faut lire ces pages merveilleuses, d’une simplicité tragique, dont la sincérité irrésistible vous empoigne. Quelle lutte affreuse ! Une voix intérieure lui disait :
— Tu ne peux pas comprendre le sens de la vie ; ne pense pas, vis !
Et une autre lui répondait :
— Je ne puis pas faire cela, parce que je l’ai fait trop longtemps déjà.
— Le sens de la vie ! où donc est le sens de la vie ? Où est la vérité ?
— La vérité, c’est la mort.
Et l’instinct de conservation individuelle lui murmurait :
— Non, la vérité, ce n’est pas la mort, c’est la vie.