Page:Lourié - La Philosophie de Tolstoï.djvu/96

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De même que l’individu isolé ne peut vivre sans se faire une idée de sa raison d’être et sans subordonner ses actions, inconsciemment parfois, au but qu’il donne à son existence, de même les groupes d’hommes vivant dans des conditions égales, comme les nations, ne peuvent pas ne pas donner une raison déterminante à leurs vues communes et aux efforts qui en sont la conséquence. De même que l’homme isolé, quand il avance en âge, change nécessairement sa conception de la vie et trouve à son existence un sens qu’il n’avait pas aperçu étant enfant, de même les sociétés y les nations changent nécessairement, suivant leur âge, leur conception de la vie et l’action qui en découle. Comme le père de famille ne peut continuer à comprendre la vie ainsi qu’il la comprend étant enfant, de même l’humanité après divers changements : densité de la population, relations établies entre les nations, perfectionnement des moyens de lutter contre la nature, accumulation du savoir, ne peut continuer à comprendre la vie comme précédemment.

Il lui faut une nouvelle conception de l’existence, conception d’où résulte l’activité nouvelle concordant à ce nouvel état dans lequel elle est entrée.

C’est à cette nécessité que répond la faculté particulière de l’humanité d’enfanter des hommes qui viennent donner à toute la vie humaine un nouveau sens, d’où résulte une action toute différente de l’ancienne. L’établissement de ces nouvelles conceptions et de l’action nouvelle qui en est le résultat est ce qu’on appelle religion.