Page:Loviot - Les pirates chinois, 1860.djvu/130

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pour notre salut. Quand même nous eussions essayé de lever l’ancre et de laisser dériver au hasard le navire dépouillé de sa mature, toutes nos chances ne nous permettaient que d’échouer sur la côte. Pour échapper aux angoisses nouvelles que nous ressentions, nous fîmes nos préparatifs afin de prendre quelque repos, c’est-à-dire que chacun s’étendit tant bien que mal sur le plancher, assez près les uns des autres, de manière à être tous debout à la moindre alerte. Mes compagnons me réservèrent un mauvais banc que les pirates avaient dédaigné, et sur lequel je m’étendis à mon tour avec résignation.

Quel tableau ! une mèche fumante brûlait dans un peu de graisse et jetait des lueurs blafardes sur toutes ces figures amaigries par la souffrance. Cette chambre, si fraîche et si coquette quelques jours auparavant, avait maintenant l’aspect d’un de ces hideux caveaux des Mystères de Paris. Tous ces matelots avec leurs costumes salis et souillés par le travail, aux teints halés, aux mains rudes et noires, étaient navrants à voir ; et quand je pense que je ne faisais aucun contraste avec ces hommes par les vêtements dont j’étais vêtue ; par le danger qui me te-