Page:Loviot - Les pirates chinois, 1860.djvu/146

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se trouvait comme ébranlée. Than-Sing dut obéir le premier ; une mauvaise échelle qui faillit se rompre au milieu servit à nous descendre. Arrivée sur la jonque, je levai la tête sur le Caldera pour voir si notre capitaine nous suivait ; mais je restai foudroyée d’étonnement ; les pirates, après s’être laissé glisser vivement à leur tour par une manœuvre habile, poussèrent au large sans prendre le capitaine Rooney. Ce qui se passa dans mon être, en présence de ce coup inattendu, est inexprimable à dépeindre. À mon départ, j’avais été recommandée aux soins de ce courageux marin ; dans le malheur qui nous accablait, il avait veillé sur moi avec une touchante sollicitude. Lorsque je me vis séparée de mon unique protecteur, que je me vis seule au pouvoir d’hommes barbares, d’assassins redoutés pour leurs cruautés, je ne comprends pas, à l’heure qu’il est, comment je ne succombai pas à tant d’épreuves ; ne devais-je pas me croire perdue, entièrement perdue ? Je levai les bras vers mes compagnons d’infortunes, en signe d’adieu éternel, et je pus voir encore le capitaine Rooney. Penché sur le bord, il nous suivait du regard sa consternation, ou plutôt son désespoir pa-