30 mai, jour de la Pentecôte, nous nous embarquâmes sur une petite goëlette qui avait nom l’Indépendance.
Outre le capitaine, l’armateur et l’équipage, notre navire emportait dix-huit passagers, la plupart maris et femmes, un tiers célibataires, et tous animés d’un désir de prospérité que l’on concevra facilement.
Au moment de mettre à la voile la foule encombrait le quai, et nous entendions les uns et les autres se récrier, non sans quelque effroi, sur la petitesse de notre goëlette. « Jamais, disaient-ils, elle ne pourra doubler le cap Horn ; ce n’est qu’une coquille de noix que le moindre coup de vent fera chavirer, etc. » Qu’on juge de l’impression produite par de telles paroles sur des Parisiennes qui, comme ma sœur et moi, voyageaient pour la première fois ; nous nous regardâmes avec quelque hésitation, mais il n’était plus temps.
Quelques minutes après, nous entendîmes la voix du capitaine qui criait « Lâchez les amarres !… » Le grand sacrifice était accompli… Adieu nos amis, adieu France, adieu Paris, seconde patrie dans la patrie même… Adieu le confortable… les soins de la