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LUCAIN.

truire Marseille. Réjouissez-vous, braves cohortes ; le destin nous offre des guerres sur notre passage. S’il ne rencontre d’épaisses forêts, l’Aquilon perd ses forces et se dissipe dans le vide. L’ardeur de la flamme s’éteint, quand elle ne trouve pas d’obstacles. Ainsi, le manque d’ennemis me fait tort, et c’est un vol fait à ma gloire quand ceux que je peux vaincre ne se révoltent pas. Que seul et désarmé je me présente à leurs portes, elles me seront ouvertes. C’est donc peu de m’exclure, ils veulent m’enfermer. Vous repoussez, dites-vous, le fléau contagieux de la guerre : eh bien ! vous serez châtiés pour avoir demandé la paix ; et vous apprendrez que, moi vivant, il n’est pas d’asile plus sûr que la guerre sous mes aigles. »

Il dit, et marche vers Marseille, qui ne tremble pas. Il trouve les portes fermées et les remparts couronnés d’une nombreuse jeunesse.

Non loin des murs s’élève un tertre dont le sommet forme-en s’élargissant un petit plateau. Celte colline, qu’on peut fortifier par une longue enceinte, paraît à César très-favorable au campement. La partie de la ville la plus voisine présente une citadelle dont la hauteur est égale il celle de la colline : dans l’intervalle s’abaisse un vallon cultivé. Laborieuse entreprise ! César veut joindre les deux éminences par une vaste chaussée. Mais d’abord, pour bloquer la ville du côté de la terre, du haut de son camp jusqu’à la mer il fait creuser une longue tranchée, qui ferme les sources et les prairies ; et le gazon s’élève en créneaux épais sur les angles bastionnés du boulevart.

C’est une gloire immortelle pour la ville grecque, d’avoir d’elle-même, et sans faiblir devant la crainte, retardé dans sa course rapide cette lave incendiaire. César entraîne tout ; seule elle n’est vaincue que par un long siége. Qu’il est beau d’entraver les destins ! Quand la fortune se hâte d’imposer un maître au monde, qu’il est beau de lui faire perdre quelques jours !

Cependant les bois tombent au loin, et les forets sont dépouillées de leurs chênes. Comme le milieu de la chaussée n’est soutenu que par du sable et des fascines, il faut sur les deux flancs une charpente solide pour presser la terre et l’affermir, de peur que le rempart trop foulé ne s’écroule sous les tours.

Il était une forêt sacrée, vieillie sans outrage, enfermant un air ténébreux et de froides ombres, sous la voûte des ses rameaux impénétrables aux feux du soleil. Ce n’est pas le séjour des Pans champêtres, ni desSylvains, ni des Nymphes, qui régnent dans les bois : on y vénère les dieux par un culte barbare ; les victimes couvrent leurs terribles autels, et l’expiation a marqué tous les arbres d’une couche de sang humain. S’il faut croire la pieuse crédulité des ancêtres, l’oiseau craint de se poser sur ses branches, la bête fauve n’ose se coucher