Page:Luchet, etc. - Fontainebleau, 1855.djvu/116

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parents dénaturés qui jettent leurs enfants dans des galetas, privés de nourriture.

Je passai deux jours dans la forêt : la première journée, le ciel était voilé, et toute la nature était habillée d’un manteau gris, délicat, un peu brumeux et mélancolique. J’appliquai mes sens à saisir la forme des arbres, la coloration des plantes, à écouter les bruits des insectes, des oiseaux, à aspirer les fraîcheurs embaumées ; mais, vers les deux heures de l’après-midi, le soleil perça les nuages, et des rayons brillants et gais allèrent tomber, j’ose à peine l’avouer, sur un gros pâté.

Un énorme pâté, à côtes vernies, qu’un bourgeois de la rue Grenétat avait acheté rue Montorgueil, suivi de sa femme et de son enfant.

Tous les trois partis de l’embarcadère du chemin de fer de Fontainebleau, où il y avait une foule énorme qui profitait d’un train de plaisir.

Depuis un mois ces bourgeois rêvaient d’aller manger un pâté dans la forêt de Fontainebleau : pâté et forêt s’étaient soudés dans leur esprit comme la Rochequi-tette s’est soudée à un arbre. Était-ce l’amour de la nature qui les entraînait, ou l’amour du pâté ? Allaientils en forêt pour manger du pâté, ou mangeaient-ils du pâté pour voir la forêt ? c’est ce qu’il est difficile de décider.

Dans le train de plaisir, les bourgeois avaient pris mille précautions pour le pâté, de peur qu’il ne fût