Page:Luchet, etc. - Fontainebleau, 1855.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Le cuivre n’eut pas besoin d’annoncer le guido funèbre ; le funèbre cri de Ninus sortit de la montagne comme d’une pyramide babylonienne haute de mille coudées. Toutes les impressions de terreur, ralenties depuis le meurtre d’Abel, coururent autour de nous avec les redoutables notes de Rossini ; nous tremblâmes avec tous ceux qui avaient tremblé ; à chaque coup de tam-tam sur la porte de la tombe, la montagne s’entr’ouvrait en laissant évaporer par une crevasse je ne sais quelle forme vaporeuse à tête couronnée. Je regardai en dehors de la caverne ; c’était une véritable nuit de Babylone. Les roches saillantes, les pics gigantesques, les collines amoncelées, les arceaux granitiques, tout ce paysage grandiose, éclairé fantastiquement par les étoiles, ressemblait à cette architecture infinie créée par Martinn, le Byron de la peinture. On ressentait au cœur tous les frissons do l’épouvante et l’exaltation irrésistible de la volupté ; la grande énigme de la musique se révélait à nos sens claire et sans voile ; cette langue insaisissable de notes fugitives, cette langue qui ne dit rien et dit tout, et dont les villes ne connaissent encore que l’alphabet seul, oh ! comme elle était comprise de nos sens dans cette nuit de révélations ! La gamme s’était matérialisée. La partition n’était plus un recueil d’hiéroglyphes ; toutes les idées métaphysiques du maître inspiré prenaient un corps, une figure, un relief d’animation, et on les embrassait avec délices comme un vol de femmes aériennes,