Page:Luchet, etc. - Fontainebleau, 1855.djvu/322

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jugeai que c’était un cadavre pendu par les pieds et qui avait le ventre ouvert, et que cette chambre était l’abattoir des Dinot.

« La mort, c’est toujours la même vieille, au crâne terreux, aux yeux vides, à la bouche sans lèvres, qui, riches et pauvres, nous jette au même trou. Seulement elle nous arrive avec diverses toilettes. Pour la jeune fille, c’est une vierge vêtue de blanc, ayant des bagues aux doigts, des roses fanées sur le sein, une blanche couronne sur la tête, couchée pudiquement dans un cercueil resplendissant de cierges ; pour le soldat, c’est une déesse au manteau tricolore, répandant à pleines mains des palmes sur une immense fosse qu’on appelle un champ de bataille ; ou, si tu l’aimes mieux, un aigle couronné qui emporte des armes plein ses serres, au temple des braves ; pour le condamné, elle se présente sous l’horrible écarlate du bourreau, les yeux couverts d’un bandeau noir et le doigt sur un chiffre d’horloge. Mais, au fond, c’est toujours la même chose, le même néant ou la même immortalité, le même paradis ou le même enfer ; et encore, pour celui qui meurt de maladie, le vestibule de la tombe est-il plus affreux que la tombe elle-même. On a beau se dire cela et vouloir se le persuader, la mort violente et à heure fixe, cette mort qui prend un homme et l’enveloppe tout vivant d’un linceul, ce néant qui succède tout à coup à la plénitude de l’existence, cette grande lumière de l’éternité qui vous arrive sans crépuscule, c’est toujours