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L’Olympe de Bithynie

Les belles forêts de l’Anatolie, c’était cela. Maktoub ! Aussitôt pris notre repas, nous n’avions plus qu’à redescendre.

Que lui dire ? Le soleil de l’été sur la neige était aveuglant. Pas une ombre d’arbre où s’asseoir. Nos Turcs et les chevaux s’arrangeaient entre eux on ne savait dans quelle anfractuosité plus loin.

À la fin, les bergers nous recueillirent dans leur repaire. J’étais tellement fatiguée qu’avant de manger il fallut me laisser dormir.

Jamais aucun sommeil ne valut celui-là. Couchée par terre, pourtant, n’ayant pour oreiller qu’une pierre, je dormis roulée dans le manteau d’un des bergers, vraisemblablement plein de puces et autres bêtes.

Au bout d’une heure mon mari dut me secouer vigoureusement par l’épaule avant de parvenir à me réveiller. Dans ce recoin sombre était préparé notre déjeuner.


Les chevaux montent un escalier. Ils ne le redescendent pas. Seules l’irrégularité, la largeur de ces marches naturelles permettaient aux nôtres de s’y risquer. Mais il ne fallait pas songer à nous remettre en selle. Nos cavaliers nous le firent comprendre par gestes.

C’est alors que, de fureur et de désappointement, mon mari me déclara qu’il rentrerait à Brousse par un autre chemin, celui qu’il découvrirait sans l’aide de personne. Les six Turcs qu’on nous avait donnés sauraient prendre soin de moi bien mieux que lui, qui ne m’était d’aucune utilité. Sans attendre il disparut sur ces mots, en quelques bonds de son cheval.

Les cavaliers, stupéfaits et terrifiés, se mirent à le rappeler à grands cris. « Ya tchélébi !… Ya tchélébi !… » J’essayais en vain de leur expliquer ce qui se passait, chose trop compliquée pour être exprimée par des mimiques.

À la fin ils se résignèrent. À pied comme eux, et parce qu’avant de lâcher les chevaux ils m’avaient par déférence fait passer la première, je dus redescendre de mon