Page:Lucie Delarue-Mardrus - El Arab.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180
El Arab

— À certaines dates, toute la famille se réunit ici. Nous nous installons sur les bancs, nous prenons le café, nous parlons des événements politiques et autres.

Tenir compagnie aux morts, comme au cimetière de Scutari…

Donc cette petite maison est une sépulture. Tout à l’heure nous allons découvrir mieux. Le café bu, les cigarettes fumées, la conversation épuisée, le pacha se lève. C’est pour nous faire reprendre les marches souterraines. Mais, au lieu de les remonter pour sortir, nous descendons au contraire plus bas, dans la crypte. Sous l’électricité, ses étroites murailles à la chaux éclatent de blancheur. Rien. Un simple couloir entièrement vide. Le pacha touche un point du mur : « Là est mon père. » Il désigne le mur qui fait face : « Là sont mes grands-parents. »

De nos questions et de ses réponses il ressort que les morts de sa parenté, derrière ces murs, sont couchés côte à côte et sans cercueils sur des lits de fleurs, de plantes aromatiques et de henné. À chaque nouveau venu le mur est démoli pour laisser passage au corps, puis reconstruit aussitôt. Seules les grandes familles peuvent se permettre semblable apparat.

Oui… L’embaumement ; la momie de première classe…

Je n’ai pu m’en empêcher :

— Mais c’est l’hypogée !

Le pacha me regarde avec des yeux hagards. Comme la plupart de ses pareils il ignore tout de l’Égypte des Pharaons. Il ne sait pas de quoi je lui parle. À tout hasard il murmure :

— Chaque pays a ses coutumes, n’est-ce pas ?


Garder à travers des siècles de siècles, même quant au type physique, une inaltérable personnalité, c’est, il semble, — c’était — le secret de l’Égypte.

Malgré tous les bouleversements qui l’ont ravagé, ce