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El Arab

À la longue on l’entendit, pourtant, mais juste de quoi souhaiter autre chose qu’un début de roucoulement qu’il ne finissait jamais, interrompu sans cesse par son envie d’une cigarette ou d’un gâteau.

Fatiguée, à la fin, de toute la fatigue de cette foule persévérante et déçue, je priai qu’on me conduisit au harem.

Un petit garçon se chargea de me guider dans la maison. À la porte du premier étage il frappa longtemps avant d’être entendu. Le vacarme qu’on menait derrière cette porte était assourdissant. Une voix de femme se décidant à répondre, il y eut d’interminables parlementaires avant que cette femme comprît. Nul danger pour le harem. C’était une Roumîa qui voulait entrer, et non un homme.

La porte finit par s’entrebâiller. J’aperçus un œil noir qui m’examinait des pieds à la tête. Puis un bras se tendit pour m’attraper par la manche. Je compris que je n’entrerais que par cette étroite fente, problème ardu, car c’était l’époque des chapeaux grands comme des maisons, illogique couronnement des robes entravées.

D’autres mains étant venues à la rescousse, tirée, secouée, bourlinguée, je me vis enfin dans le harem, et dangereusement environnée de cierges allumés que tenaient ces dames, et dont la cire tombait à larges gouttes sur ma robe chiffonnée et mon chapeau cabossé. Car toutes les femmes s’étaient rassemblées pour me voir de près, abandonnant la mariée, oubliant leur cérémonial.

Mon sérieux et quelques mots arabes firent vite cesser leur sabbat. Et bientôt la fête interrompue reprit son cours.

La mariée, elle, n’avait rien dérangé de sa pose protocolaire. Le lamé de l’Égypte la vêtait de nuit et d’étincelles. Son voile nuptial n’était que couleurs et paillettes. Assise toute droite sur un siège haut, elle ne regardait rien que le vide. Peut-être contemplait-elle sa destinée. C’était une pauvre petite fille à moitié morte de fatigue après trois jours de visites à la parenté, sans