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La Palestine

La Palestine, après ces longs jours d’Égypte et de Syrie, ne fut qu’une escale sur le chemin de notre retour en Europe. Et cependant il me reste quelque chose qui, pour moi, ressemble à une aventure de voyage ; et c’est le souvenir de notre étonnant débarquement.

Pas de rade pour aborder Jaffa. Le bateau s’arrête en mer, et ce sont des petites barques qui viennent chercher les passagers pour les conduire à terre, un transport qui, toujours, est mouvementé, même par temps calme. Mais que dire quand il y a de la tempête !

Or il y en avait une, et considérable, à l’heure où notre paquebot jeta l’ancre, ce jour-là, de sorte que le commandant défendit aux passagers de tenter l’atterrissage. Ils n’en avaient d’ailleurs nulle envie — excepté mon compagnon et moi.

Il fallut bien nous laisser faire.

Une barque vint donc nous prendre, et voici comment se passa l’affaire.

Cramponnés à l’échelle, juste sur les dernières marches, il nous fallut, chacun notre tour, attendre qu’une lame voulût bien soulever la barque jusqu’à nous. On la voyait monter du fond d’un abîme glauque, avec ses deux Turcs à bord, puis redescendre, jusqu’à disparaître dans les écumes.

Enfin le moment vint où les deux matelots purent saisir mon mari, que je vis s’engouffrer avec eux dans le creux provisoire. Puis la barque revint enfin jusqu’à toucher l’échelle, et c’est là que je fus empoignée à mon tour.