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El Arab

flambée. Le Ramadan diurne est assez lamentable à voir. Ce ne sont que gens qui, l’estomac creux, bâillent ou bien ont le hoquet, ouvriers en plein travail qui se couchent par terre pour dormir, figures de mauvaise humeur, regards mornes, intelligences refermées. La vie ne reprend son cours que venu le soir, tous les désirs de nouveau tendus vers la disparition du soleil.

Ce quartier maltais qu’on trouve à la Porte de la Mer vaut que je m’y arrête à cause des choses fantastiques qui s’y passaient et peut-être s’y passent encore.

Un avocat français de la ville me raconte. Il eut plusieurs fois entre les mains de ces procès qui tous se ressemblent avec quelques variantes, et dont voici le schéma presque toujours le même.

Famille maltaise. Petites économies péniblement amassées. Taudis grouillant d’enfants. Un matin, on frappe à la porte. C’est un Marocain, de ceux qu’on appelait jadis Maugrabins, aisément reconnaissables à leur type aux traits serrés, aux yeux rapprochés, au regard austère. La barbe régulière semble plus noire encore dans la lumière du capuchon blanc. Silhouette presque monacale, celle même des charmeurs de serpents qu’on voit sans cesse opérer place Halfaouïne ou ailleurs.

Celui-ci, du reste comme tous les Maugrabins, est sorcier et ne s’en cache pas, au contraire.

— Je sais, dit-il au père de famille, que, dans ta maison, existe un trésor dont tu ne te doutes pas. Il est à toi si tu m’écoutes.

À ces mots tous les yeux de la maisonnée se sont dilatés d’émerveillement.

— Que les enfants sortent ! Je dois rester seul avec vous deux.

La marmaille éliminée, commence la séance. Le lit ayant été repoussé, le couple ébaubi voit apparaître, et pour la première fois, une dalle munie d’un anneau de bronze. Le Marocain soulève la dalle et découvre un