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Cnémon et Damnipper

Cnémon

Le proverbe est bien vrai : Le faon a dévoré le lion.

Damnippe

D’où vient cette colère, Cnémon ?

Cnémon

Tu me demandes pourquoi je suis en colère ? J’ai laissé sans le vouloir, malheureuse dupe que je suis, mon héritage à qui je ne voulais pas, et je n’ai rien laissé à qui je le voulais le plus.

Damnippe

Comment cela s’est-il fait ?

Cnémon

Je faisais la cour, dans l’espérance de le voir mourir, à Hermolaüs, homme très riche et sans enfants, et lui paraissait content de mes soins. Je crus faire un beau coup d’adresse, en produisant en public mon testament, dans lequel je lui léguais toute ma fortune, afin que, piqué d’émulation, il en fît autant.

Damnippe

Qu’a-t-il donc fait ?

Cnémon

Je ne sais ce qu’il a écrit dans le sien, car je suis mort subitement de la chute d’un toit. Hermolaüs a maintenant toute ma fortune ; comme un vrai loup marin, il a avalé l’amorce et l’hameçon.

Damnippe

Et par-dessus le marché, le pêcheur, qui s’est pris dans ses propres filets.

Cnémon

Je le vois bien ; et c’est pour cela que je pleure !

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Simylus et Polystrate

Simylus

Te voilà donc arrivé aussi chez nous, Polystrate, après avoir vécu, je crois, à peu près une centaine d’années ?

Polystrate

Quatre-vingt-dix-huit ans, Simylus.

Simylus

Et comment as-tu passé les trente ans que tu as vécu après moi ? Tu avais, en effet, quelque soixante-dix ans, quand je suis mort.

Polystrate

Très agréablement : on dirait que cela te paraît étrange.