Page:Lucien - Œuvres complètes, trad. Talbot, tome I, 1866.djvu/202

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en apparence, nous ne sommes donc que ses serviteurs, lorsque nous agissons.

Minos

C’est juste : vous obéissez à Clotho, qui assigne à chacun, au moment de sa naissance, tout ce qu’il doit faire.

Sostrate

Si donc un homme est contraint d’en tuer un autre, sans pouvoir résister à celui qui l’y force, par exemple un bourreau, un doryphore, qui obéissent l’un au juge, l’autre au tyran, qui doit-on accuser de l’homicide ?

Minos

Il est évident que c’est le juge ou le tyran : on ne peut accuser l’épée, ministre et instrument de colère, pour celui qui est la cause première du meurtre.

Sostrate

À merveille, Minos : tu me fournis plus d’exemples qu’il ne m’en faut. Et maintenant, si un esclave va, par ordre de son maître, porter de l’or ou de l’argent à quelqu’un, à qui doit-on en savoir gré ? Qui doit-on inscrire au rang des bienfaiteurs ?

Minos

Celui qui envoie l’esclave, Sostrate : le porteur n’est que son ministre.

Sostrate

Tu vois alors quelle injustice tu commets en nous punissant, nous les ministres des ordres de Clotho, et en récompensant les dispensateurs d’un bien qui n’était point à eux. On ne saurait dire en effet, que nous ayons été les maîtres de résister aux ordres impérieux de la Nécessité.

Minos

Sostrate, tu verrais bien d’autres choses, qui ne te paraîtraient pas plus logiques, si tu regardais de bien près, aussi, tout le profit que te valent tes questions, c’est de paraître aussi bon sophiste qu’insigne brigand. Cependant, détache-le, Mercure, et qu’on ne le punisse plus. Et toi, ne t’avise pas d’apprendre aux autres morts à nous faire des questions semblables.