Ôte la peau à des fèves vertes, tu verras qu’elles ressemblent beaucoup aux testicules de l’homme : fais-les cuire et expose-les pendant un certain nombre de nuits aux rayons de la lune, elles donneront du sang. Mais ma plus forte raison, c’est que les Athéniens s’en servent pour élire leurs magistrats.
Le marchand. Tu parles bien, et comme un oracle ; mais ôte ta robe, je veux te voir nu. Par Hercule ! il a une cuisse d’or : c’est un dieu : il n’a rien d’un homme : il faut absolument que je l’achète. Quelle est la mise à prix ?
Mercure. Dix mines[1].
Le marchand. Les voici, je le prends à ce compte.
Jupiter. Mais le nom de l’acheteur et sa patrie ?
Mercure. C’est, je pense, quelque Italien, Jupiter ; un habitant de Crotone, de Tarente ou de la Grande-Grèce. Mais il n’est pas seul, ils sont au moins trois cents qui l’ont acheté en commun.
Jupiter. Qu’ils l’emmènent, et qu’on leur en fasse voir un autre !
[7] Mercure. Veux-tu cet homme malpropre, né dans le Pont[2] ?
Jupiter. Justement.
Mercure. Hé ! l’homme à la besace et à la tunique sans manches, viens ici, fais le tour de la salle ! À vendre une vie mâle et courageuse, une vie libre ! Qui est-ce qui achète ?
Le marchand. Que dis-tu, crieur ? Tu vends une vie libre ?
Mercure. Oui.
Le marchand. Tu ne crains pas qu’il ne t’accuse de commerce frauduleux, et qu’il ne te cite devant l’Aréopage ?
Mercure. Il se soucie peu d’être mis en vente : il n’en pense pas moins être libre.
Le marchand. À quoi peut servir un être aussi crasseux, aussi misérablement vêtu ? On n’en peut faire qu’un terrassier ou un porteur d’eau.
Mercure. Oui, mais, autre chose encore : fais-en un portier, il te gardera mieux qu’un chien : d’ailleurs il est déjà chien par son nom.
Le marchand. Et quelle est sa patrie, sa profession ?
Mercure. Interroge-le toi-même : c’est ce qu’il y a de mieux.
Le marchand. J’ai peur, à voir cette figure sombre et farou-