Le marchand. Comment pourrais-je t’acheter ? j’ai besoin d’un pédagogue pour mon fils, qui est un joli garçon.
Socrate. Qui serait mieux fait que moi pour vivre avec un beau jeune homme ? Ce n’est pas du corps que je suis amoureux, c’est de la beauté de l’âme. Sois sans crainte ; de tous ceux qui pourraient reposer avec moi sous la même couverture, tu n’entendras aucun se plaindre que je me sois mal conduit.
Le marchand. Il es incroyable qu’un homme qui aime les garçons n’ait souci que de l’âme, quand il a toute liberté, couché sous la même couverture.
[16] Socrate. Je jure par le Chien et par le Platane qu’il en est ainsi[1] !
Le marchand. Par Hercule ! les singuliers dieux que voilà !
Socrate. Quoi donc ? Le Chien ne te parait donc pas être un dieu ? Ne vois-tu pas l’Anubis d’Égypte sous cette figure ? ne connais-tu pas Sirius au ciel et Cerbère aux enfers ?
[17] Le marchand. Tu as raison ; je me trompais. Mais comment vis-tu ?
Socrate. J’habite une ville que je ma suis faite à moi-même : j’ai une république d’un nouveau genre, où je dicte mes propres lois[2].
Le marchand. Je voudrais bien en connaître quelqu’une.
Socrate. Écoute la plus importante, celle qui est relative aux femmes : aucune d’entre elles ne doit être à un seul exclusivement, mais à quiconque voudra l’épouser.
Le marchand. Que dis-tu ? tu as donc abrogé les lois sur l’adultère ?
Socrate. Oui, par Jupiter, et toutes les petites formalités de cette espèce.
Le marchand. Quant aux beaux garçons, qu’as-tu décidé ?
Socrate. Leurs baisers seront la récompense des gens vertueux et de tous ceux qui se seront distingués par un brillant exploit[3].
[18] Le marchand. Oh ! le beau présent ! Mais quel est pour toi l’essentiel de la sagesse ?
Socrate. Les idées et les modèles des êtres. Tout ce que tu vois, la terre et de qu’elle porte, la mer et le ciel, ont des images invisibles qui existent hors de l’univers[4].