Chrysippe. Étant un corps, tu es un animal ?
Le marchand. Oui.
Chrysippe. Donc tu n’es pas une pierre, puisque tu es un animal.
Le marchand. Tu m’as rendu un grand service. Déjà mes jambes se refroidissaient comme celles de Niobé, et commençaient à se raidir. Allons, je vais t’acheter. Combien en veut-on ?
Mercure. Douze mines[1].
Le marchand. Tiens.
Mercure. L’as-tu acheté tout seul ?
Le marchand. Non vraiment, mais en société de tous ceux que tu vois ici.
Mercure. Ils sont nombreux ; ils ont les épaules fortes et sont taillés pour le Moissonnant.
[26] Jupiter. Ne perdons pas de temps ; à un autre !
Mercure. Viens ici, Péripatéticien, le beau, le riche ! Achetez-moi le plus éclairé de tous, le savant universel !
Le marchand. Quelles sont ses qualités ?
Mercure. Il est modéré, doux, accommodant, et, qui plus est, double.
Le marchand. Que veux-tu dire ?
Mercure. Il est en dedans autrement qu’en dehors. Si tu l’achètes, n’oublie pas de distinguer en lui l’ésotérique et l’exotérique[2].
Le marchand. Et que sait-il le mieux ?
Mercure. Qu’il y a trois sortes de biens : ceux de l’âme, ceux du corps et ceux de la fortune.
Le marchand. Sa morale est humaine. Combien vaut-il ?
Mercure. Cinq mines[3].
Le marchand. C’est cher.
Mercure. Non, mon ami ; car il parait avoir lui-même de l’argent ; ainsi dépêche-toi de l’acheter. D’ailleurs, il t’apprendra tout de suite combien de temps vit un ciron, à quelle profondeur de la mer descendent les rayons du soleil, de quelle nature est l’âme des huîtres.
Le marchand. Par Hercule ! voilà une science minutieuse !
Mercure. Que sera-ce, quand tu lui entendras dire des choses encore plus subtiles au sujet de la procréation et de la génération, de la formation de l’embryon dans le ventre de la mère ;