Page:Lucien - Œuvres complètes, trad. Talbot, tome I, 1866.djvu/279

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a douleur. Ton esclave, Midas, épousera ta femme, dont il est l'amant depuis longtemps.

Mégapenthès

L'infâme ! moi qui l'ai affranchi sur les prières de ma femme !

Clotho

Ta fille sera bientôt inscrite au rang des maîtresses du nouveau tyran. Les images et les statues que t'a dressées la république vont être renversées et servir de jouet aux spectateurs.

Mégapenthès

Dis-moi, aucun de mes amis ne s'indignera de ces outrages ?

Clotho

Avais-tu donc un ami ? A quel titre pouvais-tu en avoir ? Tu ne sais donc pas que tous ceux que tu voyais chaque jour ramper à tes pieds, ces gens qui exaltaient chacune de tes paroles et de tes actions, n'agissaient ainsi que par crainte ou par espoir ? ils n'étaient amis que de ta puissance, et ils se pliaient au temps.

Mégapenthès

Cependant, au milieu des festins, leurs libations faites à haute voix étaient accompagnées de souhaits pour mon bonheur ; tous étaient prêts, s'il le fallait, à mourir à ma place, et ils ne juraient que par mon nom.

Clotho

Et cependant, c'est après avoir soupé hier chez l'un d'eux que tu es mort : la dernière coupe qu'on t'a offerte est celle qui t'a fait descendre ici.

Mégapenthès

Voilà pourquoi j'y trouvais un goût amer ! Mais pour quelle raison m'a-t-il empoisonné ?

Clotho

Tu en demandes trop ; tu devrais déjà être embarqué.

12.

Mégapenthès

Il y a une chose qui me tient au cœur, Clotho, et pour laquelle je voudrais revoir la lumière, ne fût-ce qu'un moment.

Clotho

Qu'est-ce donc ? cela me paraît d'une grande importance.

Mégapenthès

Carion, mon esclave, aussitôt après m'avoir vu mort, entre, le soir, dans la chambre où j'étais étendu, et trouvant l'occasion bonne, vu que personne ne me gardait, prend Glycérium, ma maîtresse, avec laquelle, je pense, le drôle était au mieux depuis longtemps, ferme la porte, et se met à la caresser, comme si personne n'était là ; puis, quand il a satisfait ses désirs, il jette les yeux sur moi : "Ah ! brigand, dit-il, tu m'as souvent battu injustement, attends !" A ces mots, il m'arrache la barbe, me donne des soufflets, et tirant enfin de sa poitrine un large crachat, il me le lance au visage, en s'écriant ! "Va-t'en au séjour des impies !" et il sort. Je brûlais de