Page:Lucien - Œuvres complètes, trad. Talbot, tome I, 1866.djvu/442

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ses concitoyens, il ne se nommait pas Homère, mais Tigrane, qu’ayant été envoyé en otage chez les Grecs, il avait alors changé de nom. Je lui fis quelques questions relatives aux vers retranchés de ses poèmes, s’il les avait réellement écrits. Il me répondit que tous étaient de lui. Je ne pus alors m’empêcher de blâmer les mauvaises plaisanteries des grammairiens Zénodote et Aristarque. Après qu’il eut satisfait ma curiosité sur ce point. je lui demandai pourquoi il avait commencé son poème par Mênin, colère ; il me répondit que cela lui était venu à l’esprit, sans qu’il y songeât. Je désirais aussi vivement savoir s’il avait composé l’Odyssée avant l’Iliade, comme beaucoup le prétendent. Il me dit que non. Quant à savoir s’il était aveugle, ainsi qu’on l’assure, je n’eus pas besoin de m’en enquérir : il avait les yeux parfaitement ouverts, et je pus m’en convaincre par moi-même. Souvent, en effet, je venais converser avec lui, quand je le voyais inoccupé ; je l’abordais, je lui faisais une question et il s’empressait d’y répondre, surtout depuis le procès qu’il avait gagné sur Thersite. Celui-ci lui avait intenté une accusation pour injures, parce qu’il s’était moqué de lui dans son poème ; mais Homère fut absous, défendu par Ulysse.

21. À peu près vers cette époque, arriva Pythagore de Samos, qui, après avoir subi sept métamorphoses et vécu dans autant de corps différents, avait achevé les périodes assignées à l’âme. Son côté droit était tout d’or. On le jugea digne d’être admis dans ce séjour fortuné, mais il y eut quelque incertitude sur le nom qu’il fallait lui donner, Pythagore ou Euphorbe. Empédocle vint aussi, le corps tout rôti et couvert de brûlures ; on ne voulut pas le recevoir, malgré ses supplications.

22. Bientôt arriva le temps où l’on célèbre les jeux des Thanatusies ; Achille les présidait pour la cinquième fois et Thésée pour la septième. Comme il serait trop long de les raconter en détail, je dirai en somme que Carus, descendant d’Hercule, remporta le prix de la lutte sur Ulysse, qui lui disputait la couronne. Le prix du pugilat fut partagé entre Arius l’Égyptien, dont le tombeau est à Corinthe, et Epéus, qui combattirent avec un égal succès. Il n’y a point de prix pour le pancrace : quant à la course, je ne m’en rappelle plus le vainqueur. Parmi les poètes, Homère l’emportait réellement de beaucoup sur les autres ; on couronna cependant Hésiode : les prix de tous les combats sont des couronnes de plumes de paon.

23. Les jeux étaient à peine finis, lorsqu’on annonça que les