Page:Lucien - Œuvres complètes, trad. Talbot, tome I, 1866.djvu/449

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compagnons, en nous lançant, au lieu de pierres, des pépins de coloquinte. Après une lutte indécise, qui dura jusqu’au milieu du jour, nous vîmes arriver, derrière les Colokynthopirates, la flotte des Caryonautes : ces deux peuples sont ennemis, comme la suite le prouva ; car aussitôt que les premiers s’aperçurent de l’arrivée des autres, ils nous laissèrent là pour les aller combattre.

38. Nous déployons aussitôt notre voile et nous prenons la fuite, laissant les deux flottes aux prises. Il était évident que les Caryonautes seraient vainqueurs : ils étaient plus nombreux, puisqu’ils avaient cinq vaisseaux complètement équipés et d’une construction plus solide pour la lutte. Ces vaisseaux étaient faits de noix coupées par la moitié et vidées : chaque moitié avait quinze orgyes de longueur. Quand nous fûmes hors de leur vue, nous songeâmes à panser nos blessés, et de ce moment nous ne quittâmes plus nos armes, de peur de quelque surprise. Nous avions raison.

39. À peine le soleil venait-il de se coucher, que d’une île déserte nous voyons s’élancer sur nous une vingtaine d’hommes, montés sur de grands dauphins. C’étaient encore des pirates. Ces dauphins paraissaient des montures solides, qui se cabraient et hennissaient comme des chevaux. Quand ils furent près de nous, ils se divisèrent en deux troupes, et nous lancèrent, les uns des sépias sèches, les autres des yeux de crabes ; mais ils ne tinrent pas contre nos jets de flèches et de javelots : ils furent blessés pour la plupart, et regagnèrent promptement leur île.

40. Vers le milieu de la nuit, par un temps calme, nous allons nous heurter, sans nous en apercevoir, contre un énorme nid d’alcyon, qui avait au moins soixante stades de circonférence. Au dehors flottait la femelle, couvant ses œufs, et presque aussi grosse que le nid ; en s’envolant, peu s’en fallut qu’elle ne submergeât notre navire par le vent de ses ailes : elle s’enfuit en poussant un cri plaintif. Le jour venu, nous descendons dans le nid pour le considérer : on eût dit un immense radeau, composé de gros arbres ; il y avait à l’intérieur cinq cents œufs, chacun de la grosseur d’un tonneau de Chios. On apercevait déjà sous la coquille les petits qui commençaient à croasser. Nous coupons un de ces œufs avec une hache, et nous en faisons sortir un petit, sans plumes, mais déjà de la grosseur de vingt vautours.

41. En avançant en mer, à la distance de deux cents stades