charmant ; du faîte de ces arbres les cigales font entendre leurs chants mélodieux. » En même temps je m’assieds, comme un juge, entre nos deux antagonistes, portant l’Héliée[1] lui-même sur mes sourcils ; je leur présente à tirer au sort pour savoir qui parlerait le premier, et la chance ayant désigné Chariclès, je lui ordonne de commencer sur-le-champ son discours.
[19] Celui-ci, passant la main sur son visage, après un instant de silence, commence à peu près en ces termes[2] : « Ô toi, ma souveraine, ô Vénus, dont je vais plaider la cause, mes prières invoquent ton appui. Tout acquiert une perfection suprême, dès que tu daignes y répandre la moindre goutte de ta douceur persuasive ; mais ce sont surtout les propos d’amour qui te réclament : tu en es la véritable mère. Femme, viens défendre les droits des femmes et accorde aux hommes la grâce de rester dans le sexe où la nature les a fait naître. En commençant ce discours, je prends à témoin de ma sincérité la mère de tous les êtres, la source première de toute génération, je veux dire la sainte nature de l’univers, qui, consolidant les principes élémentaires du monde, l’air, le feu, la terre et l’eau, a, par leur mélange, donné la vie à tout ce qui respire. Elle savait que nous sommes un composé de matière périssable, renfermé par le destin dans des bornes étroites où chaque être doit vivre ; aussi a-t-elle fait en sorte que la décomposition de l’un produisit la naissance de l’autre, et qu’à la mortalité correspondit la reproduction, afin que tout vécût enchaîné dans une succession éternelle. Mais comme il n’était pas possible que d’un seul être il naquit quelque chose, elle a formé, dans chaque espèce, deux sexes différents : le mâle, auquel elle a donné la puissance génératrice, et la femelle, dont elle a fait comme le dépositaire du trésor de la génération. Elle inspire donc à tous deux un penchant réciproque, elle les unit sous le joug sacré de la nécessité ; et, prescrivant à chacun de rester fidèle à sa propre nature, elle défend à la femelle d’affecter les facultés du mâle, et au mâle de se dégrader par une indigne mollesse. C’est ainsi que l’union de l’homme avec la femme a conservé jusqu’à ce jour la race humaine par d’immortelles successions. Aucun homme ne peut se vanter d’avoir été produit par un seul homme ; mais deux noms respectables obtiennent également nos hommages, et nous révérons une mère aussi bien qu’un père.
[20] « Lorsque, voisins encore de leur origine, les hommes