Lycinus. Il est très-beau, Polystrate, et toutes les lignes en sont parfaites.
17. Polystrate. Dessinons maintenant et sa sagesse et son intelligence. C’est ici surtout que nous aurons besoin d’un grand nombre de modèles antiques, et particulièrement de celui d’Ionie. Nos dessinateurs, nos artistes seront Eschine, l’ami de Socrate[1], et Socrate lui-même[2] : ce sont, de tous les peintres, ceux qui saisissent le mieux la ressemblance, d’autant plus qu’ils ont travaillé sous les inspirations de l’amour. La fameuse Aspasie de Milet, la maîtresse de l’illustre orateur olympien[3], nous offrira un modèle qui n’est point à dédaigner pour la pénétration de l’esprit, l’expérience des affaires, la profondeur du coup d’œil en politique, la vivacité, la finesse : transportons-les dans notre tableau avec toute l’exactitude de l’équerre, sauf cette différence que, d’un côté, nous avons une miniature, et, de l’autre, un colosse sous les yeux.
Lycinus. Comment cela ?
Polystrate. Parce que, Lycinus, ces deux portraits, quoique ressemblants, sont d’une grandeur complétement différente. En effet, la république des Athéniens était loin d’égaler la puissance actuelle de Rome ; et si notre Aspasie ressemble à l’autre, elle l’emporte sur elle par la grandeur, étant représentée sur une plus vaste toile.
18. [18]Le second et le troisième modèle nous seront fournis par Théano[4] et la muse de Lesbos[5], auxquelles nous ajouterons Diotime[6]. La première nous donnera son élévation d’âme à transporter dans notre tableau ; Sappho nous prêtera l’élégance de son génie, et Diotime, outre les qualités que Socrate a louées en elle, son esprit et sa rare prudence. Voilà, Lycinus, encore un portrait à exposer.
19. Lycinus. Par Jupiter, Polystrate, il est vraiment admirable ; mais passons à un autre.
Polystrate. Pour sa bonté, mon cher, pour cette affabilité qui est l’indice d’un caractère affectueux, pour sa bienveillance enfin à l’égard de ceux qui implorent son appui, il faut lui don-
- ↑ Sur Eschine le Socratique, voy. Cicéron, De l’invention, I, xxxi. Diogène de Laërte et Athénée disent qu’il avait écrit un livre sur Aspasie, la maîtresse de Périclès.
- ↑ Cf. Plutarque, Vie de Périclès, xxiv, xxx.
- ↑ Cf. Nigrinus, 7.
- ↑ Fille et, suivant Diogène de Laërte, femme de Pythagore.
- ↑ Sappho.
- ↑ Voy. le Banquet de Platon.