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OU L’HOMME QUI S’INSTRUIT.


grands pas ? Il arrive, il descend en toute hâte. L’appellerons- nous ?

Critias. Certainement.

Triéphon. Cléolaüs !

Ne cours donc pas si vite, et reste près de nous[1] ;
Viens gaiement, si tu sais quelque bonne nouvelle.

Cléolaüs. Salut au beau couple d’amis !

Triéphon. D’où vient ton empressement ? Te voilà tout essoufflé. Y a-t-il du nouveau ?

Cléolaüs.

C’en est fait de l’orgueil si vanté des Persans,
       La ville de Suse est tombée,
Et bientôt l’Arabie, à nos lois enchaînée,
Sentira d’un vainqueur les bras forts et puissants.

29. Critias. Je le disais bien ;

La vertu par les dieux n’est jamais méprisés,
Et toujours le succès couronne ses travaux.

Pour nous, Triéphon, nous allons jouir du plus heureux sort. J’étais inquiet de savoir ce que je laisserais en héritage à mes enfants. Tu connais mon indigence comme je connais la tienne. C’est assez pour nos enfants que l’empereur vive ; avec lui les richesses ne nous manqueront point, et aucune nation ne pourra nous inspirer de terreur.

Triéphon. Et moi, Critias, je lègue à mes fils le plaisir de voir Babylone détruite, l’Égypte asservie,

Les enfants des Persans réduits en esclavage,


les excursions des Scythes refoulées, et, plût aux dieux, arrêtées pour toujours. Pour nous, qui avons trouvé le dieu inconnu qu’on adore à Athènes, prosternons-nous devant lui, les mains tendues vers le ciel, et rendons-lui des actions de grâces pour nous avoir trouvés dignes d’être les sujets d’un si grand prince. Quant aux autres, laissons-les à leurs folies et contentons-nous de leur appliquer le proverbe : « Hippoclide ne s’en soucie guère[2]. »


  1. Ces vers ou plutôt cette prose rhythmée est de quelque auteur inconnu.
  2. Cf. Apologie pour ceux qui sont aux gages des grands, à la fin.