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LE MAL DES ARDENTS

système de feinte indifférence ; elle avait prémuni son cœur contre toute surprise : il n’est rien de tel que de connaître exactement le péril pour le surmonter ; la seule chose qu’elle redoutât était la part d’inconnu, le secret projet de Rabevel. Elle se promit de prier beaucoup et de se consacrer tout à son fils.

Quand François fut reparti, elle accompagna elle-même Olivier au Lycée Janson de Sailly où Marc et Jean allaient commencer leurs études secondaires. Elle avait pris la résolution de vivre à l’écart, autant que possible. Mais Eugénie et Reine lui furent vite d’indispensables et parfaites amies. Il ne se passait pas un jour qu’elles ne se réunissent toutes trois, heureuses d’un contact désintéressé, certaines d’une affection partagée. Les enfants faisaient leurs devoirs tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, ravis de cette diversité de domiciles, de la rentrée le soir sur le coup de dix heures dans leur maison chaude après le bol d’air froid dans la rue. Bientôt les jeunes femmes devinrent inséparables : ce fut la meilleure protection que pouvait souhaiter Angèle. D’autre part, très attentive à ses devoirs religieux, très pieuse, elle en revint bientôt, par une pratique sévère, à une vie réglée, non pas bigote, mais extrêmement scrupuleuse et d’où la vigilance de la conscience chaque jour se visitant elle-même extirpait le moindre désir.

Bernard n’était pas homme à tenter vainement ses aventures. Mais il n’était pas homme à renoncer à ses desseins. Il avait très vite discerné que la défense était