Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/161

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
161
LA FIN DE RABEVEL

brûlante femme si proche de lui avait tenu tant de place. Comme il se demandait si elle s’était jamais doutée de la parenté de leurs races, elle lui serra la main avec une telle violence, à peine contenue, qu’il redouta son destin.

Nicole s’approchait au bras de Rabevel. Elle était grande, mince et déjà, à cette époque, malgré sa jeunesse, avait cet air un peu triste qui ne la quitte point. Le port de la tête, l’aisance de la démarche, la grande allure de tous les gestes inspiraient un respect adouci par la grâce émanée d’elle et flottante comme un parfum.

Elle était lassée de louanges quand Marc lui adressa la parole. Avec un sourire poli mais excédé, elle attendit le compliment fatal qui l’horrifie par sa banalité : celui qui apparente son talent à la virtuosité paternelle. Mais Marc était trop fin pour ne l’avoir pas devinée. Il se contenta de lui dire, sur un ton ému qui tranchait sur son habituelle ironie, combien il avait été sensible aux échos de l’âme populaire d’Écosse tandis qu’elle chantait les chansons de Mac Grégor.

— Ah ! s’écria-t-elle, radieuse, voilà ce que j’aime. Je suis toujours étonnée de voir louer l’exécutant d’une œuvre. Il doit se faire oublier. N’est-ce pas ?

— Certainement, dit Marc qui n’en était pas sûr.

— Oui, reprit-elle, quel est son rôle ? Il est de traduire, par les moyens mécaniques dont il dispose, à l’usage de ceux qui n’ont pas ces moyens. L’interprète n’est qu’un instrument. Quelque excellent qu’il soit, son éloge n’est à