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LA FIN DE RABEVEL

Puis elle avait fini par se convaincre qu’elle obtiendrait enfin, grâce à la religion, le salut et l’oubli ; de la Trappe voisine de Belle-Combe où il s’était retiré, le Père Blinkine la venait voir entre deux missions. Le verbe enflammé du converti l’enivrait. Abraham lui racontait les étapes de sa propre conversion, réveillait en elle le sentiment du divin et la faisait passer par toutes les transes et toutes les larmes, des plus douces aux plus amères. Elle fut vraiment pendant les jeunes années d’Olivier semblable à un ange ; une grande sérénité avait succédé aux extases, aux jeûnes et aux macérations ; son corps n’existait plus tant il demeurait profondément endormi ; son cœur était tout entier pris par l’affection échangée avec son fils ; elle l’embrassait longuement dans son petit lit le matin et, sur le coup de six heures, par tous les temps, se rendait à la première messe. Un vieux curé obscur officiait dans le lointain céleste, sa tête blanche seule visible, allant et venant, suspendue comme à des ailes dans la vague lumière des cierges et ainsi qu’on voit les figures de chérubins sur les peintures anciennes. L’église toute longue, étroite, écrasée, percée de meurtrières, semblait une galère sans rames. La paix régnait sur les âmes de bonne volonté unies là dans ces prières matinales ; Angèle s’y retrouvait telle qu’en ses jeunes années : elle s’élançait vers Dieu avec le même désir d’éternité ; elle goûtait dans les sacrements la même consolation ; elle y puisait un réconfort sans pareil.

Quand elle retournait à la petite maison qui était devenue