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LE MAL DES ARDENTS

la sienne depuis le retour de son frère. Olivier était déjà éveillé, les yeux grands ouverts sur les objets hétéroclites que François avait rapportés de ses voyages. L’enfant, dès son bas âge, avait marqué sa dilection pour toutes ces choses dont on ne se servait point, dès qu’il avait été en âge de comprendre, il s’en était émerveillé. À l’école, il avait appris tout seul à lire et à écrire en regardant sagement les autres alors que sa mère ne le menait là que pour qu’il y fût surveillé, tandis qu’elle vaquait aux soins du ménage. Maintenant, il composait d’étonnantes histoires qui remplissaient Angèle d’admiration, d’orgueil et lui serraient le cœur. Il s’échappait avec ses camarades, les conduisait, toujours le premier, à la découverte des nids de faucon, à l’exploration des cavernes. À chacun de ses retours, François débordait davantage de joie : « Quel étonnant clampin ! Ah ! il tient de son père, celui-là ! Eh ! la maman, qu’en penses-tu ? » Elle répondait : « Oui » en hochant la tête.

Déjà elle craignait tous les périls pour son enfant. L’ardeur précoce d’Olivier dans l’étude et dans le jeu lui apparaissaient terrifiantes, elle se rappelait sa propre enfance si turbulente mais surtout les épouvantables histoires qu’elle savait sur l’enfance de Bernard. Elle s’était ouverte de ses appréhensions au Père Blinkine qui l’avait écoutée pensivement. « Il faut le mener avec douceur, avait-il répondu, ne pas le briser ». « Ah ! pensez-vous que je sois mère à le briser ». — « Je sais. Est-il bon ? » — « Oui, je crois qu’il a du cœur ». Elle racontait avec ravissement