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LE MAL DES ARDENTS

Le Père Blinkine en concluait que tout était bien. Il fallait l’élever dans le respect des lois divines et humaines, dans l’obéissance et l’amour de ses parents, et surtout le soustraire aux influences pernicieuses. Les enfants du bourg n’étaient pas mauvais, mais, plus tard, au collège…

— Et s’il devenait marin comme son père ? » Sa tendresse maternelle ne pouvait envisager une telle hypothèse sans frémir. Cet enfant sans peur lâché dans les bordées de matelots…

Le Père Blinkine l’invitait à se rassurer. Et pourquoi serait-il marin, cet enfant ? intelligent, travailleur, il pouvait faire ses études secondaires ; le père gagnait assez pour tenir son fils au Lycée, en faire un ingénieur ou un médecin… sa mère ne le quitterait que lorsque, marié, il lui aurait donné à sa place un autre enfant de son sang à aimer.

Elle se calmait, se sentait heureuse de cette seule joie qui lui fût permise : aimer son fils et le garder. Il lui semblait qu’elle aurait voulu le voir petit ainsi indéfiniment ; elle aurait consenti à vieillir auprès de cet enfant que nul ne songerait à lui enlever tant qu’il serait un bambin. Elle vivait toute à lui. Le souvenir de Rabevel ne la troublait plus ; elle y pensait parfois avec une sorte de sérénité indifférente ; il était le passé, l’orage définitivement éloigné ; en vain se penchait-elle pour en saisir un grondement attardé et lointain.

Pourtant, l’occasion ne lui avait pas manqué d’évoquer