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LE MAL DES ARDENTS

plus. Votre art, votre fille, que désirer de mieux comme but à votre existence ?

— Mon pauvre Marc ! mais vous ne savez donc pas ce que c’est que ce sang que j’ai là dedans ! Le souvenir de cette femme me brûle ; je l’avais, comme on dit, dans la peau ; et c’est elle et non une autre, c’est elle et non autre chose, le but de ma vie. C’est elle qu’il faudra bien tuer quelque jour si elle ne doit pas me revenir.

— Oh ! s’écria Marc, Vassal !…

Le musicien passa la main sur son front ; il soupira en secouant la tête :

— Ah ! dit-il, ne pensons plus à ces misères terribles : vous avez raison : abandonnons de tels projets et pardonnez-moi cette explosion de fureur ; je ne puis songer à ces misérables sans voir rouge. Par eux j’ai connu la prison, la honte, les ravages moraux et physiques de la douleur. J’ai su qu’il existait encore dans la société des gens capables de tuer sans avoir faim ; et que je suis de ceux-là. Mais voyez : on m’a tout pris ; la musique me dégoûte pour toujours ; d’ailleurs, après les scandales que vous connaissez, il m’est impossible de me produire en public. Et quant à ma fille, elle a le sentiment que je n’aimais que sa mère et ne peut m’aimer que par commisération.

Il se tut.

— Ah ! la société est bien faite ! dit Olivier.

Mais Vassal radouci :

— C’est nous qui ne sommes pas faits pour elle. Je le