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LA FIN DE RABEVEL

comprends. Voilà ce que je voulais vous dire, Marc : Je suis désigné pour l’Orient. Où va-t-on m’envoyer ? Syrie, Salonique ? Je n’en sais rien. Je m’en irai, je resterai, toute ma vie gâchée, légionnaire ; ce serait bien la malechance, si, dans la période que nous vivons, je ne rencontrais pas la fièvre ou la balle secourables. Et, avant de partir, je viens vous demander de veiller sur Nicole. Mes parents ne sont pas éternels ; que fera-t-elle seule, plus tard ? Je ne sais pas. Je lui laisse tout ce que je possède, elle ne sera pas en peine de l’avenir. Mais je désire que vous l’aidiez de vos conseils ; je vous donne charge d’âme ; faites-moi la grâce de l’accepter.

Marc, violemment ému, répondit :

— Je suis prêt à vous aider ; mais je ne puis imposer…

— C’est Nicole qui la première a pensé à s’adresser à vous, quand je lui eus annoncé ma décision irrévocable de partir.

Il ajouta, après un silence :

— Il m’a semblé…

Il s’arrêta soudain et, dans un sanglot difficilement réprimé :

— C’est ce nom, ce nom si difficile à porter.

Puis, reprenant les mains de Marc :

— Dire qu’ils sont là, à quelques kilomètres de nous, que je n’aurais qu’à sortir ça (il frappait sur son étui révolver) pour purger la France de cette vermine et me venger ! et je m’arrête de peur de couvrir encore de honte