Page:Lucien Fabre - Rabevel ou le mal des ardents Tome III (1923, NRF).djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
221
LA FIN DE RABEVEL

d’avant la guerre, celui-là. Je vous reconnais bien, à présent, cré nom ! Mais il y a des années qu’on ne vous voit plus !

— J’ai quitté Paris bien avant la guerre, père Budel.

— Cela fait dix ans ! Dame tout change. Moi je suis plus vieux.

— Mais non, toujours le même. C’est moi qui ai changé.

— Tout de même. Tenez, il n’y a que la demoiselle, votre amie qui a toujours l’air d’avoir seize ans comme dans le temps.

Isabelle ! elle venait donc toujours…

Le bonhomme, finaud, le regardait, tout en continuant son discours :

— Dame, pendant la guerre, on a fermé, il y avait des gardiens jeunes mobilisés, puis les gothas, et toutes les histoires de cette sacrée période de malheur. Mais quand on a rouvert, le premier jour, la demoiselle est venue faire un tour. Elle était en infirmière, toujours la même, vous savez. « Alors, que je lui dis : Ça va ? — « Toujours à peu près, père Budel ». — « Et, que je lui dis, vous pariez que je devine quels sont les bouquins que vous avez là ? » — « Je ne parie pas, qu’elle me répond, père Budel, vous les connaissez bien tous les deux. » — « Pas tant que vous, que je lui dis, depuis que vous les lisez. » — « Ah ! père Budel, qu’elle me fait, ils m’aident à rêver. » — C’est une gentille jeunesse, y a pas !

— Et quels sont ces bouquins, père Budel ?

— Ah ! dame, monsieur, elle vous le dira si elle veut,