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LE MAL DES ARDENTS

mais moi je ne peux pas, n’est-ce pas ? Tout ce que j’en dis c’est pour la chose qu’elle est la même toujours. C’était ces vers que vous lisiez ensemble. Mais vous le savez mieux que moi, pas vrai ?

Le vieux gardien cligna de l’œil avec bonhomie.

— Mais, mon vieux papa, je vous dis que je n’ai pas vu cette jeune fille depuis dix ans.

— Vous dites… Et puis, vous savez écrire, pas vrai ?

Cependant, si Isabelle venait, ainsi que le croyait le brave homme ! Olivier se leva mais le vieux était bavard :

— Vous comprenez, le père Budel est vieux, mais ce n’est pas une bête. Une femme abandonnée, ça se plaint. Or, Mademoiselle Isabelle me parle toujours de vous avec plaisir.

— Ah !

— Bien sûr, voyez que vous n’avez pas besoin de faire des mines de secret comme ça. Quand j’y demande : « Ben et M’sieu Olivier ? » — « Ça va, ça va ». — « Ben, tant mieux et qu’est-ce qu’il fait ? » — « Ben, vous savez, père Budel, toujours à l’étranger, en voyage pour se faire une situation ». Seulement depuis la guerre, dame, elle m’avait fait secret que vous étiez revenu.

Quel trouble l’oppressait ! Sa jeunesse ressuscitait en cheveux blonds et l’abandon coupable. Il avait envie de demeurer et il n’osait. Si Isabelle venait ! Quelle attitude adopter ?

Le père Budel vit son hésitation et se méprit