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LA FIN DE RABEVEL

ceux que peignait Léonard de Vinci ; on a dû vous le dire assez souvent que vous aviez le visage de la Sainte Anne, n’est-ce pas ?

— Une fois, une seule fois, répondit Angèle rêveuse.

— Mais vous ne l’avez pas oublié, fit remarquer Bernard. Elle dit malgré elle :

— Je n’ai rien oublié ; je crois avoir oublié et puis, tout d’un coup, tout me revient, là, présent, comme si… Elle s’arrêta, s’apercevant tout à coup qu’elle disait à haute voix ce qu’elle venait de ressentir, et un courant glacé coula dans sa nuque. Mais personne n’avait compris que Bernard.

— C’est très curieux ces phénomènes de faux oubli, dit l’intelligente Reine ; ils s’apparentent certainement aux phénomènes de fausse mémoire. Qu’en penses-tu, Bernard ? Rabevel répondit, disserta, heureux de faire dévier une conversation que le trouble d’Angèle jusqu’alors visible seulement pour lui pouvait d’instant à l’autre rendre périlleuse.

Quand le repas fut terminé, Reine proposa qu’on fit entrer les petits. Eugénie annonça que son mari qui n’avait pu déjeuner avec eux s’arrangerait peut-être pour venir prendre le café. Et en effet, Noë arriva en même temps que les enfants. Du seuil, il resta un moment à les regarder, puis, avec sa franchise habituelle :

— C’est le petit Olivier Régis ? Qu’il est beau ! Viens ici, petit bonhomme.