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LE MAL DES ARDENTS

On fit entrer Olivier ; il finit par accepter de chanter son répertoire, mais non sans quelque gêne. Reine battait des mains, enthousiaste.

— Il faut le mettre dans un lycée ici, où il soit bien conduit, c’est un prodige, ce petit. Il faut nous le confier, Bernard avait raison. Songez qu’il y va de son avenir. Vous ne pouvez pas laisser s’éteindre une flamme pareille !

— En voilà bien d’une autre ! se disait Angèle un peu ahurie. Mais ce n’est pas de la poésie, cela, ni du génie ! » Elle soupçonnait vaguement Reine d’une complicité avec Bernard pour lui ravir le petit. Pourtant, non, ce n’était pas possible, cette jeune femme semblait trop candide. Alors un nouveau débat s’ouvrait en elle ; si Reine avait raison, si vraiment son devoir lui commandait de faire donner à l’enfant une éducation exceptionnelle ?

— Il sera marin comme tous les Régis, dit-elle mélancoliquement. Il ira finir ses jours quelque part dans les eaux du Pacifique…

— Comme La Pérouse, dis, maman ? demanda l’enfant avec exaltation.

— Comme La Pérouse…

— Ah ! que je voudrais !…

Il ne savait pas encore très bien expliquer pourquoi mais déjà on percevait sous ses mots et malgré leur maladresse, une nostalgie de l’infini, de la solitude, de la grandeur et de cette immense extension de la vie qui ne la