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LA FIN DE RABEVEL

peut-il être ? » Il répondit : « Je ne sais pas, mais l’Angélus sonne ». — « Alors, il est quatre heures ; quelle nuit ! » — « Je vais te laisser », dit-il. Il se leva, passa sa robe de chambre, chaussa ses mules. Elle ne parut l’entendre ni le voir, répéta d’une voix qu’il ne lui connaissait pas « Quelle nuit ! » Puis elle ajouta : « Quel désastre ! » et, tout doucement, regardant soudain vers lui avec crainte « Mourir ! » Lui, à peine guidé par les lueurs de la bougie mourante, se dirigeait à tâtons vers la porte. Au moment où il l’entre-baïllait, un courant d’air brusque le fit retourner, il aperçut Angèle qui, descendue silencieusement de son lit, avait ouvert la fenêtre et l’enjambait. Il eut le temps de sauter, de la saisir aux pieds, de maintenir ce corps nu tout entier déjà projeté dans l’espace et verticalement renversé contre le mur, s’égratignant au crépi. Avec quelle peine surhumaine il put remonter cette masse qui se défendait et voulait mourir, altérée de vertige, de vide, de l’appel des roches basses où écumait le Viaur ! Il la tint enfin dans ses bras, épuisée, pourpre, farouche et muette. Il la remit au lit, referma la fenêtre. La bougie s’était enfin éteinte, la chambre était noire ; seule, la tache livide de la croisée trouait les ténèbres. Il alla à la porte, l’ouvrit, la referma en restant à l’intérieur, immobile et invisible. Aussitôt que le loquet fut retombé, Angèle se redressa comme un fantôme. Elle descendit du lit en gémissant, revint à pas brisés vers la fenêtre. Comme elle mettait la main sur le bouton, Bernard l’empoignait de nouveau, la